Lui
(7)
Les jours suivants, les pensées explosèrent dans sa tête. Elles creusaient, râpaient. Il ne savait pas trop. Il s’imaginait gagner à la loterie. Que ferait-il ? Certainement quitter son boulot. Partir de Paris, vivre une autre vie, en France ou à l’étranger ? Est-ce qu’il achèterait ou louerait ? Est-ce qu’il se poserait ou voyagerait sans cesse ? Il voulait être loin de cette agitation et de cette pollution. Ses rêveries le surprirent. Il n’avait jamais joué. Son éducation avait toujours été « si tu veux quelque chose, travaille pour l’avoir ». Il n’était pas non plus du style à fuir. Il fallait être honnête, l’ensemble de ses sens était tourné vers la fuite. Fuir quoi ? Tout ça, tout simplement. Tout ce qui avait constitué jusqu’à maintenant sa vie, ses projets, tout ce qu’il avait toujours désiré. Il lui fallut ces quelques jours de pensées folles pour se rendre compte qu’il était urgent de faire autre chose, autre part. Superbe constat ! Et après ?
Il avait essayé de prendre le temps d’observer au travail s’il pouvait modifier quelque chose. Il était devant son écran quand cette pensée lui vint et il fut saisit d’un monumental fou rire qui avait jailli du plus profond de ses entrailles. Changer la finance ? Il n’arrivait plus à s’arrêter. La meilleure blague de fin de soirée pour courtiers éméchés. Ses collègues l’avaient regardé mi- interrogateurs, mi- amusés. Certains avaient l’air inquiets ou dérangés comme si sa folie pouvait devenir contagieuse. C’est vrai, ça arrivait que certains pètent des plombs, Thomas en avait vu. Il partit souriant, la gorge prise par l’angoisse, vers les toilettes pour se rincer le visage une fois de plus. Ses yeux le traversèrent. Il ne pouvait plus mentir au miroir, plus faire semblant qu’il passerait le cap. Continuer ici, c’était s’enterrer, se tuer à petit feu et contribuer à tuer les autres. Il devait quitter son travail, mais pour aller où ? Dans une autre boite qui ferait la même chose ? Aucune n’était plus propre que l’autre. Son père lui avait toujours appris à avoir un filet de sécurité. Là, il n’en avait aucun. S’il partait, il sautait dans le vide. Cette fois, le nœud à l’estomac produisit son effet. Thomas en vida le maigre contenu dans les toilettes, une suée glacée lui traversant le dos et les flancs. Toute la haine contre la dénégation s’évacua avec la chasse d’eau. Il regarda le tourbillon siphonner ses pensées haletant et trempé. Il retourna se rincer au lavabo. Le regard avait changé. Il partait !
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