Au matin… Du cinquième jour,
Au matin du cinquième jour,
L’oiseau est parti !
Il se met à paniquer,
Il regarde partout.
Sur sa tête, à ses pieds,
Sur l’épaule gauche, la droite,
Devant, derrière…
Quand il voit au loin…
Un reflet.
Sous les rayons du soleil,
Les ailes de l’oiseau brillent.
Il le sent aussi sur sa peau,
Sur sa joue,
Dans sa main, il danse avec les mouvements de ses doigts.
Depuis quand n’a-t-il pas vu le soleil ?
Il regarde, encore et encore,
Il sourit, il respire,
Il le sent partout en lui,
Et il crée le soleil.
En ce matin du cinquième jour,
Il crée le soleil !
L’oiseau revient,
Se pose dans sa main,
Et il regarde ses yeux, ses yeux d’une profondeur,
Il regarde ses yeux, ses yeux d’une douceur…
Et puis…
Il regarde là-bas, loin là-bas,
Les nuages tout noirs,
Et le soleil…
S’en va.
Alors, comme quand il lève la tête,
Il voit ce qu’il y a en bas,
Il décide de regarder de l’autre côté,
Vers ses pieds,
Derrière les nuages.
Là-bas,
Derrière les pieds collés,
Il y a…
Le soleil.
Il respire,
Hoche positivement la tête,
Regarde l’oiseau.
Et l’oiseau sait.
En ce matin du cinquième jour,
Il va y avoir de l’orage,
Beaucoup, beaucoup d’orage.
Les orages des amours mourants,
Ceux qui rendent la liberté aux amants.
Terrible!
Ils savent tous les deux qu’il est prêt.
Ils se regardent.
–Alors… Pourquoi mes pieds restent-t-ils collés ?
L’oiseau se met à rire.
(Imaginez un rire d’oiseau !)
L’oiseau finit par le regarder,
Opinant un peu frénétiquement de la tête en souriant,
–Bah, oui, ça ? Pourquoi sont-ils collés là tes pieds ?
On se le demande !
Pourquoi là ? Et pas là-bas ?
L’oiseau montre de l’aile les nuages cœur,
Ceux qui font peur,
Si peur justement qu’il en a les pieds collés,
Collés dans la peur d’avancer !
Il prend une profonde inspiration,
Regarde l’oiseau
Et pose LA question
–Comment on fait maintenant ?
-Comment TU fais maintenant !?
Il fait oui de la tête.
–Eh bien, ça dépend,
Tu veux descendre ou rester en haut ?
-Rester en haut ?
-Oui, regarde ceux du ciel bleu,
Ils préfèrent être loin,
Loin des autres
Ils les touchent là-bas, au loin
À l’horizon.
Ils sont heureux,
Préfèrent garder leurs distances
Alors que ceux en bas….
-Ils se mélangent entre eux…
-Oui et non, regarde bien.
Alors ils lèvent la tête tous les deux,
Encore un peu,
Ils lèvent la tête vers les ermites
Ceux qui veulent leur parenthèse à eux
Et leur coin de terre à eux
–A toi de choisir…
« Je peux être ce que je veux… » songe-t-il enfin.
Après un moment à observer encore ce monde,
Celui qu’il ne verra certainement plus jamais,
Plus jamais de là haut,
Après un moment à regarder autour de lui,
Après un moment à regarder ses pieds, là, collés,
Et par delà, de l’autre côté,
Il dit à l’oiseau qu’il est prêt.
L’oiseau sourit.
Et de ses yeux, ses yeux d’une profondeur…
De ses yeux, ses yeux d’une douceur…
Nait la confiance,
La confiance que quoi qu’il arrive,
Tout se passera pour le mieux.
Alors, il regarde les nuages noirs là-bas
Et il pose LA question
–Que dois-je faire maintenant ?
-Les traverser.
-Et que se passera-t-il ?
-La pluie.
Il fait oui de la tête tout en fixant le point là-bas
Loin
Et alors malgré la peur,
Son pied se décolle et il fait son premier pas.
Il avance vers les nuages crève-cœur,
Ceux de toutes les rancœurs,
Ceux qui lui ont fait croire au bonheur,
Ceux qui lui ont menti,
Qui pourtant n’avait rien promis,
Ceux qui l’ont conduit ici,
Bloqué, les pieds collés,
De peur de tomber
Encore et encore
Dans plus de douleurs.
Il sait maintenant,
Et l’oiseau l’accompagne.
Alors il avance,
Un pas à la fois,
Vers tout ça,
Tout ce qu’il a perdu
Et surtout lui,
Celui qu’il rêvait d’être.
Il ne sait pas pourquoi il se met à penser,
Il pense au Renard du Petit Prince
Et il se demande qui apprivoise qui ?
Est-ce que l’on aime ?
Est-ce que l’autre finit par nous aimer ?
Peut-être qu’il ne s’était aimé
Que parce que les autres avaient fini par le faire s’aimer.
Et cet oiseau…
L’oiseau finit par s’envoler.
Il sait qu’il ne le reverra plus,
Il continue d’avancer,
Et il rentre peu à peu dans ses nuages cauchemars,
Il rentre dans sa peur la plus intime,
Dans le noir le plus abyssal,
Et le grondement éclate à ses tympans.
Fracas violent.
Assourdissant.
Tout explose
Et brille soudain en même temps.
Il n’avait jamais pensé
Qu’au centre du tonnerre et des ténèbres
Naît la lumière au même instant.
Alors le soleil vient.
Le soleil vient
Et le porte dans la pluie ruisselante.
Et il coule.
Il coule et glisse dans les torrents lumineux
Quand le fracas du cœur
Est emporté ailleurs.
Il glisse jusqu’à la terre,
Il en pénètre la chair,
Jusqu’au plus profond de l’âme,
Jusqu’au plus profond de lui-même,
De son chez lui,
À tout jamais.
Et de son chez lui, maintenant,
Il créera ses histoires,
Selon son bon vouloir,
Celles qu’il décidera de croire.
Il sait maintenant
Qu’il y a toujours un soleil
Quelque part
Pour quelqu’un.
Il sait les arcs-en-ciel.
Il sait que son ami l’oiseau,
Curieux oiseau,
Sera toujours là
Pour dissiper les nuages.
FIN
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