Elle
(8)
Le week-end suivant Carine et Chloé étudièrent les rayons du supermarché. D’abord les boîtes de gâteaux que Chloé et Jérémie appréciaient. Impossible, il était tout simplement impossible de réduire le nombre d’emballages. Chaque paquet était au minimum entouré d’une boite carton, d’une barquette plastique et d’un film transparent autour, sinon d’une boîte carton et d’un emballage plastique format « goûter », pour les tubes : un couvercle plastique, un tube de carton, doublé plastique, un « opercule fraicheur ». Chloé désespérait. Pour changer, Carine lui proposa de regarder les céréales du petit déjeuner. Et là, même constat. Chloé finie par trancher :
-Maman, je mangerai des pommes.
-t’es sûre mon ange ?
Chloé paraissait déterminée (en fait, plutôt résolue, mais elle se donnait une fausse contenance). Arrivées au rayon fruits, nouvelle découverte : absolument toutes les pommes portaient un minuscule autocollant stipulant la provenance du produit.
-Mais à quoi ça sert ça ? Ça se voit que c’est une pomme ! rala Chloé.
-Écoute, c’est mieux que rien pour le moment, ça fait déjà beaucoup moins d’emballages.
Carine grimaça quand elle dut prendre un sachet même si maintenant ils étaient soi-disant compostables, contrairement à l’étiquette de prix collée dessus. Le reste des courses posa tout autant de problèmes. Tout ça ne lui avait jamais paru aussi compliqué.
-Regarde maman !
-Quoi ?
-Les colonnes !
Carine suivit le doigt pointé par Chloé. Du vrac, sachet papier, fenêtre plastique, pas recyclable, mais c’était déjà mieux.
-Ils ont même des céréales au chocolat.
Carine regarda les prix. Elle était incapable de dire combien coûtait la boîte de céréales habituelle au kilo.
-Je sais pas Chloé, écoute, pour le moment il en reste à la maison et je vais me renseigner sur les prix avant d’en prendre.
Elles rentrèrent avec un maigre butin qui leur avait pris deux fois plus de temps à amasser que d’habitude et Carine était fatiguée. Elle ne s’était jamais autant posée de questions. Jérémie fureta dans les placards.
-T’as pris les biscuits ?
-Non, trop d’emballages ! épuisé.
Elle s’attendait à une remarque, un grognement ou un aboiement. Rien. Elle tourna la tête vers lui. Il haussa une épaule et prit un verre de soda. Il avait l’air absorbé et un peu contrarié. Jérémie commença à réaliser que ce deuxième défi risquait de le priver de beaucoup plus que juste économiser de l’eau. En même temps, il ne voulait pas interférer avec le déroulement du projet. Il fit un compromis, aujourd’hui il prendrait sur lui mais si ça durait trop il faudrait intervenir. Il tendit le bras vers une pomme, croqua dedans et retourna dans sa chambre. Carine n’était pas sûr de ce qui venait de se passer devant elle. Elle réalisa qu’elle avait un petit creux et se dirigea vers le même placard que son fils quelques minutes plus tôt. Elle réalisa à quel point il était rempli. Oui oui. Son fils qui n’avait rien trouvé à manger, avait eu face à lui un placard rempli. Elle attrapa une boite de céréales, une deuxième et des flocons d’avoine, des biscuits cuillères, du pain d’épices, des biscottes et finit par tout sortir. Rien que le contenu de ce placard pouvait encombrer à lui seul sa table de cuisine. Elle retrouva même des abricots secs et des amandes dont elle ne connaissait pas l’existence.
-Chloé ? Tu peux venir ?
Sa fille entra dans la cuisine et observa sa mère debout, poings sur les hanches, yeux sur la table. Chloé tourna rapidement la tête vers le placard, vide, dont la porte était encore ouverte.
-Tu crois pas qu’il y a ce qu’il faut pour le goûter pour le moment ?
Chloé dut reconnaître que oui. Elle aurait plusieurs semaines devant elle avant d’avoir à chercher une autre solution. Soudain, elle fronça les sourcils.
-Ça va chérie ?
Chloé se dirigea vers les autres placards et les ouvrit : un bazar de pâtes, riz, céréales, sauces tomates, conserves, légumes secs, condiments, épices les attendaient. Carine dut reconnaître la pertinence de sa fille. Il y avait de quoi tenir un siège. Mais pourquoi faire des courses toutes les semaines alors ?
-Tu m’aides à ranger tout ce qui est sur la table ?
Chloé fit la chaîne avec sa mère. Elle retrouva des sucettes aux fruits qu’elle avait oubliées, s’en offrit une, en proposa une à sa mère qui se fit plaisir.
-Bien, pas de course pendant un moment alors !
Mais comment ferait-elle quand ils auraient fini leurs stocks. Après un instant de réflexion, elle attrapa l’ordinateur, lança le moteur de recherche et tapa « comment faire ses courses sans emballage ? » Elle parcourut rapidement plusieurs pages. Surtout des blogs. Elle remarqua rapidement qu’un nom revenait régulièrement : Béa Johnson. Le plus efficace serait donc d’aller à la source. « Zéro déchet, comment j’ai fait 40 % d’économies en réduisant mes déchets ». Aussi simple que ça, une mère de famille décrite comme la papesse du zéro déchet avait sorti un livre complet mode d’emploi. Autre référence liée à la première : « la famille presque zéro déchet » pendant français de la famille américaine. Elle lut quelques commentaires, cliqua pour mettre dans son panier, régla et attendrait 48 heures pour avoir ses réponses. Ça ne serait peut-être pas si compliqué finalement.
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